Un nouveau chemin de vie
Comment reprendre un chemin de vie après une interruption de grossesse, et, selon le thème demandé : une interruption médicale de grossesse ?
L’interruption médicale de grossesse touche très fortement la femme, les jeunes parents dans un tourbillon de souffrance.
A ce jour toute femme enceinte est confrontée très tôt à un diagnostic ante natal. Nous pourrions dire qu’il a pour but de s’assurer que » tout va bien « , mais aussi de détecter anomalie ou maladie en vue d’assurer un traitement.
La grossesse démarre tranquillement…. Bébé voulu, bébé surprise, bébé attendu depuis longtemps ; joie ! Il est là ! Très vite ce bébé sera soumis à une surveillance médicale, et c’est là qu’intervient le diagnostic prénatal. Si problème il y a, grand ou petit – mais quand peut on parler de » petit » problème à une future maman ? » – c’est toujours un coup de tonnerre dans un ciel serein, c’est l’effondrement.
» Quand je suis sotie de la consultation échographique, dit Nicole, j’étais effondrée, et complètement perdue, je ne savais plus où j’étais, où j’avais garée la voiture, quel jour et quelle heure il était, où était mon mari – souvent en déplacement- comment utiliser mon portable, j’étais hébétée tout simplement »
Cette première réaction ou non réaction est quasi constante, elle crée instantanément une grande vulnérabilité.
Il faudra donner du temps à la future maman, aux futurs parents, pour qu’ils puissent émerger, entendre et comprendre ce qui leur arrive, et ce qui leur est proposé. Trouver un lieu où ils pourront exprimer tout ce qui leur passe par la tête et par le cœur, toutes leurs turbulences… Les » je suis contre l’avortement mais dans ce cas… »
» Pour nous ce n’est pas possible, nous ne sommes pas assez forts, nous ne pourrons jamais accueillir ce bébé » » on accepterait si… »
Il faut entendre tous les ‘oui’ et les ‘non’ à la Vie qui leur traversent l’esprit et les bousculent. Il faut qu’ils puissent tout mettre sur la table sans crainte d’être jugés, il faut que quelqu’un les aide à exprimer, à laisser remonter tout ce qui les habite aujourd’hui. Le combat est rude ; il doit être entendu tel qu’il est.
Le choix de l’interruption de cette vie leur est proposé…Est-ce le seul chemin possible ?
Est-ce la seule solution ? » On n’y voit pas clair dit un futur papa ! Alors attention à ne pas prendre de décision dans le brouillard, quand on n’y voit pas clair ! Prenez le temps, prenez du temps, rien ne presse… »
Après un long entretien, avec les va-et-vient sur les choix possibles, des futurs parents écrivent quelques mois après : » Nous n’avons pas su prendre le chemin de vie dont nous avions parlé ensemble, nous sommes allés à X et nous nous sommes séparés de notre bébé à 5 mois de grossesse, aujourd’hui notre douleur est incommensurable… »
Peut-on parler de culpabilité après une interruption médicale de grossesse ?
La douleur des parents est déjà immense au moment du diagnostic !
Ce bébé qu’ils attendent est atteint de…. Il sera certainement porteur d’un handicap ou nous savons que le problème annoncé est une malformation létale, le chemin de ce bébé sera très court.
Beaucoup de peurs habitent alors le cœur des parents et….la peur tue la vie.
C’est souvent dans un contexte de vulnérabilité très forte qu’est proposée l’IMG.
Les oscillations entre acceptation et refus se bousculent chez l’un et l’autre et pas toujours au même moment, il peut y avoir dans le couple beaucoup de silences lourds et de tensions s’ils restent seuls. Ils sont dans une bourrasque, dans un brouillard trop épais et parfois pressés par une date quasi arrêtée.
Si tel est alors le choix… A la blessure et la douleur d’avoir un enfant qui a un problème, s’ajoute celle de le perdre et…d’y avoir consenti.
Toucher à la vie qu’elle porte, toucher à celui qu’elle appelle » mon bébé » depuis les premiers signes de la grossesse est insupportable ;
» J’ai fini par y aller les yeux fermés me dit Catherine, je crois que j’avais aussi un double cadenas sur le cœur, c’est horrible, et Pierre était aussi malheureux que moi !
Au réveil je ressentais un grand vide, un grand silence dans mon ventre, une grande solitude, un cauchemar ! »
Jeanne nous dit : » je demande pardon à mon bébé d’avoir eu trop peur de lui ! Je l’ai vu, je crois qu’il était beau, j’ai eu envie de hurler : mais il n’a rien ! Oh que c’était dur !
Le personnel essayait d’être sympa, mais je me sentais terriblement seule, je ressens encore une grande culpabilité, je ne me le pardonnerai jamais. »
En écoutant une de ces mères blessées, je crois qu’il faut essayer de comprendre ce qui a été touché en elle.
Elle est atteinte dans sa dignité de femme, dans sa vocation de mère.
Elle aura un deuil à faire : de ce bébé qui n’est plus là, certes ; mais aussi de la mère de ce bébé qu’elle ne sera pas concrètement en cette vie si j’ose dire, car les femmes sont mères depuis la conception et elles le savent bien.
Il y aura aussi un travail de réconciliation à vivre (je demande pardon à mon bébé dit Jeanne)
Pardonner aussi à ceux qui n’ont pas soutenu, ou à ceux qui ont orienté vers l’interruption – même si elle avait donné son accord.
Se pardonner à soi… travail long, mais possible et libérant (Voir le travail d’AGAPA)
Et puis des mamans qui vivent leur foi et ont vécu cette épreuve éprouveront peut-être le besoin de demander le Pardon sacramentel.
» Le Bon Dieu ne me pardonnera jamais me dit Céline dans ses larmes. Dans l’entretien elle l’a dit trois fois. La seconde fois je lui ai demandé si ce serait important pour elle ; la troisième fois, j’ai pu lui dire : vous ne lui avez pas demandé ; cela fait cinq ans qu’Il vous suit du regard, qu’Il vous tend les bras et attend que vous lui apportiez ce fardeau trop lourd pour vous « .
Et la culpabilité ? Isolée elle peut être meurtrière !
Si un vrai travail de pardon se vit, elle ne disparaît pas forcément, mais cesse d’être un obstacle, elle cesse de bloquer le chemin possible, chemin de vie à reprendre.
Nous ne refaisons pas notre histoire, ce qui a été vécu de difficile demeure, mais cela peut un jour ne plus encombrer le présent et donc ouvrir les portes à l’avenir.
Un fardeau trop lourd donné au Seigneur ne nous appartient plus.
Mais c’est parce que la femme est blessée dans tout son être qu’elle aura peut-être besoin de travailler à un autre niveau -psycho affectif – pour se réconcilier pleinement avec elle-même.
Puisse chaque femme ayant été affrontée à un » choix » d’interruption de grossesse, croiser sur son chemin une main tendue, un accueil et une compassion forte.
Et que cette véritable compassion lui permette d’ouvrir tous les cadenas, au niveau de tout son être
Et qu’enfin, dans cette libération, elle puisse tout simplement, et très fortement se laisser aimer, et oser s’ouvrir de nouveau à la vie.
Soeur Marie Albert
Petite Soeur des Maternités Catholiques