Témoignage de Petite Soeur Marie Joseph
La vocation religieuse, un appel qui vient de Dieu et nous dépasse infiniment ….
Ce fut pour moi un appel au bonheur. Petite Sœur des Maternités Catholiques depuis 50 ans, j’ai découvert cet appel en faisant un stage à la Maternité Catholique de Cambrai à 18 ans. Je voulais apprendre à soigner les bébés que j’aurais en me mariant, car je désirais des enfants et fonder une famille avec un homme qui partagerait ma foi.
J’ai découvert au contact des Petites Sœurs qu’une autre vocation était possible. A plusieurs reprises, j’avais fait ce choix : ne pas envisager la possibilité d’une vie religieuse car je ne voulais pas renoncer à ce merveilleux projet de me marier. Dieu se sert de tous les évènements, ses chemins sont étonnants et imprévisibles. La joie des Petites Sœurs, leur sourire, leur don à travers une vie de prière forte, et la question de l’une d’entre elles a fait basculer tous mes projets et certitudes. « Vous n’auriez pas une vocation religieuse ? »
Elevée dans une famille chrétienne qui vivait la prière quotidienne, mes parents témoignaient de leur foi par toute leur vie donnée. Je désirais au fond de moi réaliser le désir de Dieu sur moi et faire sa volonté, mais qui me dirait objectivement et clairement où était ce chemin ?
A la fin du stage à la maternité, devant mes questions, la proposition d’une retraite a éclairé ma route. Deux lumières ont été déterminantes.
La première est liée aux circonstances de l’époque. Nous étions en 1968. J’ai connu ce temps où, après le Concile, les innovations et les changements foisonnaient. La solidité théologique de ce que nous enseignait cet Institut religieux, la priorité donnée à la vie intérieure, à l’équilibre humain, le respect dans la vie fraternelle, tout cela m’a fortement attirée. J’avais dans le cœur une immense espérance liée à cet appel radical à suivre le Christ et tout donner ; préférer son Amour à tout le reste. Il m’avait fait signe et m’invitait à ordonner ma vie, mes priorités en me référant à Lui et non plus seulement à mes seuls désirs humains.
La deuxième lumière m’a été donnée par l’Evangile. La parole de l’épisode du jeune homme riche : « Jésus le regarda et l’aima » m’avait saisie et ne me quittait pas. Je ne voulais pas repartir toute triste comme le jeune homme. Ce regard du Christ qui m’aime comme je suis, m’invitait à vivre « Avec Lui, en Lui et de Lui ». Le connaître personnellement, grâce à la vie d’oraison, dans la fidélité de chaque jour à travers le service auprès des familles, devenait pour moi, la seule voie où Dieu me comblerait de sa présence.
Trois mois plus tard, sans attendre indéfiniment, j’ai pris le train pour rejoindre le noviciat à Bourgoin Jallieu en Isère. Je découvrais tout de la vie religieuse : les offices, la vie fraternelle, l’apprentissage d’une vie donnée à travers l’obéissance, la pauvreté, la chasteté. Nous étions une dizaine de novices et ces premières années furent riches en découvertes, dans la joie et le partage de la vie communautaire.
Le renoncement à une vie de famille heureuse, le détachement de ce que j’avais connu jusque- là, ont été pour moi une étape dans ma foi. Je commençais à comprendre ce qu’était l’ascèse dans la vie consacrée mais la vie de sacrifice qui m’effrayait tellement, s’offrait à moi avec un visage différent. L’accent mis sur l’oubli de soi pour la gloire de Dieu, l’oblation de notre vie à la volonté du Père, la docilité à l’Esprit du Fils, me demandait autrement plus de don de tout moi-même que ce que j’imaginais jusque-là ! Une grande tante m’avait dit avant de partir, pensant me préparer à cette nouvelle vie, que je devrais ‘’planter des poireaux à l’envers et que cela ferait beaucoup de bien à mon tempérament’’ ! Je n’ai jamais planté de poireaux à l’envers !
La vie fraternelle m’a permis de commencer à me connaître et cet approfondissement se poursuit avec gratitude. Je ne pourrais plus vivre sans cette fraternité qui est un véritable soutien, un appel au dépassement de soi et une ouverture permanente pour rester dans la bienveillance, le dialogue et la miséricorde mutuelle.
Si on me demandait ce qui m’a le plus coûté durant ces 50 ans, je peux dire que ce sont mes propres réactions qui ont pu ne pas être suffisamment ajustées aux exigences d’une vie consacrée. Au début, on croit ‘’arriver ‘’ à la perfection par ses propres moyens, puis on se découvre pauvre, limitée, vulnérable. Arrive le moment où il est bon d’accepter cette réalité comme une étape nécessaire à franchir pour commencer à entrer dans la vie religieuse. J’ai alors accepté intérieurement de ne pas tout réussir, d’être heureuse de ce qui n’est pas parfait, parce que, par-là, Dieu pouvait agir. Apprendre à Lui laisser la place et le laisser tracer le chemin qu’Il veut pour nous. Tout ce qu’Il permet dans notre vie, l’est pour un but suprême et éternel, celui de nous rendre conforme à l’image de Jésus. « Et nous savons qu’avec ceux qui l’aime, Dieu collabore en tout pour leur bien selon son dessein. » Rom. 8, 28.
Petites Sœurs de vie apostolique, nous aimons dire néanmoins que nous sommes des « contemplatives dans l’action ». Nous unissons une vie de prière (oraison, liturgie communautaire, adoration Eucharistique) à une vie active auprès des mamans, des bébés et accomplissons des multiples services auprès des familles qui viennent à nous. De même, l’amour envers la Vierge Marie nous accompagne sans cesse dans ce combat spirituel, où la conversion intérieure et la défense de la vie sont au quotidien nos propres combats.
Notre devise nous y aide « Vers le Père, dans le Christ, par l’Esprit, avec Marie, charité, joie et paix » en nous faisant entrer dans cet esprit filial, où nous nous livrons toutes entières au Père, en Lui consacrant notre personne et notre vie.
Pour conclure, j’aimerais dire qu’en cette période d’épreuve particulièrement douloureuse pour certaines familles, notre vocation trouve tout son sens et son actualité, dans la complémentarité de nos vocations. Notre vie offerte pour elles dans notre mission auprès des couples et des enfants, se veut soutient de la flamme que le Christ est venu allumer sur terre. Que des familles trouvent espérance et réconfort, et découvrent « La tendresse du cœur de Dieu, capable de guérir leur cœur. » Constitutions n°12, en cette « époque tragique et magnifique » comme le disait Paul VI, tel est notre désir.
Oui, c’est bien vrai et j’en suis témoin : « Dieu ne prend rien, Il donne tout ». Benoît XVI
« Que le Dieu de l’Espérance vous donne en plénitude dans votre acte de foi la joie et la paix, afin que l’espérance surabonde en vous par la vertu de l’Esprit-Saint ». Rom. 15,13